Ce ne sont pas a proprement parler des autoportraits. Cela dit on " se regarde toujours un peu dans le papier " comme l' écrit Henri Michaux si je me souviens bien dans son : " En pensant au phénomène de la peinture " ( Passages) Week-end en marchand... ;)
Bon, j' ai retrouvé le texte exact et vous le pose ici :
EN PENSANT AU PHÉNOMÈNE DE LA PEINTURE
La volonté, mort de l'Art.
" Dessinez sans intention particulière, griffonnez machinalement, il apparaît presque toujours sur le papier des visages. Menant une excessive vie faciale, on est aussi dans une perpétuelle fièvre de visages.
Dès que je prends un crayon, un pinceau, il m'en vient sur le papier l'un après l'autre dix, quinze, vingt. Et sauvages la plupart. Est-ce moi, tous ces visages? Sont-ce d'autres? De quels fonds venus? Ne seraient-ils pas simplement la conscience de ma propre tête réfléchissante? (Grimaces d'un visage second, de même que l'homme adulte qui souffre a cessé par pudeur de pleurer dans le malheur pour être plus souffrant dans le fond, de même il aurait cessé de grimacer pour devenir intérieurement plus grimaçant. ) Derrière le visage aux traits immobiles, déserté, devenu simple masque, un autre visage supérieurement mobile bouillonne, se contracte, mijote dans un insupportable paroxysme. Derrière les traits figés, cherchant désespérément une issue, les expressions comme une bande de chiens hurleurs... Du pinceau et tant bien que mal, en taches noires, voilà qu'ils s'écoulent : ils se libèrent. On est surpris, les premières fois. Faces de perdus, de criminels parfois, ni connues ni absolument étrangères non plus (étrange, lointaine correspondance!)... Visages des personnalités sacrifiées, des « moi » que la vie, la volonté, l'ambition, le goût de la rectitude et la cohérence étouffa, tua. Visages qui reparaîtront jusqu'à la fin (c'est si dur d'étouffer, de noyer définitivement). Visages de l'enfance, des peurs de l'enfance dont on a perdu plus la trame et l'objet que le
souvenir, visages qui ne croient pas que tout a été réglé par le passage à l'âge adulte, qui craignent encore l'affreux retour. Visages de la volonté peut-être qui toujours nous devance et tend à préformer toute chose : visages aussi de la recherche et du désir. Ou sorte d'épiphénomène de la pensée (un des nombreux que l'effort pensant ne peut s'interdire de provoquer, quoique parfaitement inutile à l'intellection, mais dont on ne peut pas plus s'empêcher que de faire de vains gestes au téléphone)... comme si l'on formait constamment en soi un visage fluide, idéalement plastique et malléable, qui se formerait et se déformerait selon les idées et les impressions, automatiquement, en une instantanée synthèse, à longueur de journée et en quelque sorte cinématographiquement. Foule infinie : notre clan. Ce n'est pas dans la glace qu'il faut se considérer. Hommes, regardez-vous dans le papier."
Très beau texte....que j'ai lu (et étudié..) il y a quelques années..une référence....souvent, je contemple ses oeuvres comme "tête pensive" (huile sur carton 1955), Foule (gouache, 1952), Un personnage, ton bistre (encre de chine, lavis....)et ses" Mescalines" et bien d'autres...souvent, elles m'ont inspirées... Merci, Staive, je vais me " replonger" dans ce recueil "Passages " 1937 - 1963 ...:)))))
Bravo. Le premier parait contenir toute une marine.
RépondreSupprimerOuf, vous n' avez pas écrit narine!
RépondreSupprimer( Car elle manque, c'est certain...;)
J'ai rencontré une fois Bram Van de Velde qui n'avait pas un si gros nez… Quant à Alechinsky…
RépondreSupprimer"Quant à Alechinsky ", il est toujours vivant!
RépondreSupprimerSont ce des autoportraits???? le premier la jeunesse, le second "le temps a passé"...ou......
RépondreSupprimerpeu importe, j'aime ces portraits...bonne soirée...
Ce ne sont pas a proprement parler des autoportraits. Cela dit on " se regarde toujours un peu dans le papier " comme l' écrit Henri Michaux si je me souviens bien dans son : " En pensant au phénomène de la peinture " ( Passages)
SupprimerWeek-end en marchand...
;)
Bon, j' ai retrouvé le texte exact et vous le pose ici :
RépondreSupprimerEN PENSANT AU PHÉNOMÈNE DE LA PEINTURE
La volonté, mort de l'Art.
" Dessinez sans intention particulière, griffonnez machinalement, il apparaît presque toujours sur le papier des visages.
Menant une excessive vie faciale, on est aussi dans une perpétuelle fièvre de visages.
Dès que je prends un crayon, un pinceau, il m'en vient sur le papier l'un après l'autre dix, quinze, vingt. Et sauvages la plupart.
Est-ce moi, tous ces visages? Sont-ce d'autres? De quels fonds venus?
Ne seraient-ils pas simplement la conscience de ma propre tête réfléchissante? (Grimaces d'un visage second, de même que l'homme adulte qui souffre a cessé par pudeur de pleurer dans le malheur pour être plus souffrant dans le fond, de même il aurait cessé de grimacer pour devenir intérieurement plus grimaçant. ) Derrière le visage aux traits immobiles, déserté, devenu simple masque, un autre visage supérieurement mobile bouillonne, se contracte, mijote dans un insupportable paroxysme. Derrière les traits figés, cherchant désespérément une issue, les expressions comme une bande de chiens hurleurs...
Du pinceau et tant bien que mal, en taches noires, voilà qu'ils s'écoulent : ils se libèrent.
On est surpris, les premières fois.
Faces de perdus, de criminels parfois, ni connues ni absolument étrangères non plus (étrange, lointaine correspondance!)... Visages des personnalités sacrifiées, des « moi » que la vie, la volonté, l'ambition, le goût de la rectitude et la cohérence étouffa, tua. Visages qui reparaîtront jusqu'à la fin (c'est si dur d'étouffer, de noyer définitivement).
Visages de l'enfance, des peurs de l'enfance dont on a perdu plus la trame et l'objet que le
souvenir, visages qui ne croient pas que tout a été réglé par le passage à l'âge adulte, qui craignent encore l'affreux retour.
Visages de la volonté peut-être qui toujours nous devance et tend à préformer toute chose : visages aussi de la recherche et du désir.
Ou sorte d'épiphénomène de la pensée (un des nombreux que l'effort pensant ne peut s'interdire de provoquer, quoique parfaitement inutile à l'intellection, mais dont on ne peut pas plus s'empêcher que de faire de vains gestes au téléphone)... comme si l'on formait constamment en soi un visage fluide, idéalement plastique et malléable, qui se formerait et se déformerait selon les idées et les impressions, automatiquement, en une instantanée synthèse, à longueur de journée et en quelque sorte cinématographiquement.
Foule infinie : notre clan.
Ce n'est pas dans la glace qu'il faut se considérer.
Hommes, regardez-vous dans le papier."
Henri Michaux, Passages NRF Gallimard 1950-1963.
Très beau texte....que j'ai lu (et étudié..) il y a quelques années..une référence....souvent, je contemple ses oeuvres comme "tête pensive" (huile sur carton 1955), Foule (gouache, 1952), Un personnage, ton bistre (encre de chine, lavis....)et ses" Mescalines" et bien d'autres...souvent, elles m'ont inspirées... Merci, Staive, je vais me " replonger" dans ce recueil "Passages " 1937 - 1963 ...:)))))
RépondreSupprimerTrès grand livre ( poésie et peinture ) que je garde jamais trop éloigné de moi!
Supprimerj'aime ce trait dynamique et les couleurs en transparence..
RépondreSupprimerje vous souhaite de belles fêtes de fin d année
Bonnes fêtes à vous aussi, Marty!
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